La Chine suscite des questions, mais il n’y pas de risques de bulle estime Jean-Yves Dumont, responsable de l’allocation chez Dexia AM.
Une bulle au sein des marchés émergents est-elle réellement à craindre ?
Il est vrai que la croissance mondiale est tirée par les marchés émergents, dont le poids dans le PIB mondial sera bientôt de 50 %. Parallèlement la pondération des marchés émergents au sein des marchés financiers mondiaux rattrape progressivement son retard, ce qui devrait inciter les investisseurs des marchés développés à rééquilibrer leurs portefeuilles au profit de ces régions structurellement sous-pondérées. Pour le moment, leurs pondérations dans les indices restent sensiblement inférieures à leur poids dans le PIB mondial.
La crainte de formation d’une bulle trouve ses origines dans les difficultés à la détecter : on ne constate l’existence d’une bulle que lorsqu’elle éclate. Comme l’a dit Alan Greenspan : « Actuellement, les économistes sont incapables de prévoir une forte inversion du sentiment. Un effondrement de la confiance se décrit généralement comme l’éclatement d’une bulle, un événement qui devient indiscutable à posteriori seulement. »
La bulle des TMT a duré sept ans, après avoir enregistré une performance absolue de plus de 1200 %, soit une surperformance cumulée par rapport à l’indice S&P 500 de près de 1000 % (équivalent à une surperformance annualisée de 39 %). La bulle japonaise a duré neuf ans, après avoir enregistré une performance absolue de plus de 500 %, soit une surperformance cumulée par rapport à l’indice MSCI World de près de 250 % (équivalent à une surperformance annualisée de 15 %). La bulle des Tigres asiatiques a duré trois ans, après avoir enregistré une performance absolue de plus de 630 %, soit une surperformance cumulée par rapport à l’indice MSCI World de plus de 600 % (équivalent à une surperformance annualisée de 110 %).
Nous avons comparé ces performances avec celle des marchés émergents entre 2001 et 2007 afin de définir si nous pouvions qualifier cette dernière de bulle spéculative : la progression des marchés émergents a duré six ans, après avoir enregistré une performance absolue de plus de 400 %, soit une surperformance cumulée de l’indice MSCI World de près de 350 % (équivalent à une surperformance annualisée de 28 %). Ces performances sont assez proches de celles d’une bulle, et s’il s’agissait d’une bulle, elle aurait déjà explosé. Or, nous n’avons jamais assisté à la formation d’une bulle si rapidement après l’éclatement de la précédente.
Donc vous n’estimez pas que ces marchés sont chers ?
En termes de valorisation fondamentale, il convient de noter que le ratio P/BV (Cours/valeur comptable, estimation 2010) est resté globalement en ligne avec son niveau historique depuis 2003, en comparaison des estimations de ROE (Return on equity) 2010. Par ailleurs, par rapport aux autres régions, les valorisations des marchés émergents ne sont pas excessives eu égard au ratio actuel ROE. Le ratio P/BV est non seulement le reflet de la création de valeur, mais également de la croissance prévisionnelle à long terme. Avec un ROE identique à celui des États-Unis, les marchés émergents mériteraient une meilleure valorisation. Il est facile de justifier la valorisation actuelle de l’indice MSCI Emergent, compte tenu de sa rentabilité actuelle par rapport à d’autres régions et du fait qu’il ne repose ni sur une croissance hypothétique ni une performance prévisionnelle.
Sur une base quantitative, l’existence d’une bulle n’est pas justifiée par le niveau, loin d’être excessif, des valorisations, ni par le rendement sur dividendes.
Récemment, la croissance chinoise et une inflation supérieure aux attentes ont conduit les investisseurs à craindre un cycle de durcissement monétaire plus agressif que prévu. En dépit de bonnes statistiques économiques de plus en plus d’analystes s’inquiètent de la situation en Chine. Les investisseurs pessimistes cristallisent leur attention sur la Chine et comparent souvent une hypothétique bulle chinoise à la bulle japonaise de la fin des années 1980. En effet, le cas japonais est intéressant, puisqu’il s’agit de l’exemple le plus récent du développement structurel d’un pays qui a finit par l’éclatement d’une bulle.
Pouvons-nous baptiser la Chine le « nouveau Japon » ? Sur le plan des valorisations, le PER 2010 des actions A chinoises est estimé à environ 18 actuellement, contre 70 au Japon lors de la bulle des années 1980.
On parle de bulle immobilière pour la Chine…
La surface habitable des zones urbaines chinoises a progressé rapidement, pour atteindre un niveau proche de celui de Singapour ou du Japon (30 m2 par habitant). Néanmoins, des investissements immobiliers restent à prévoir dans les villes : 200 millions de chinois sont des travailleurs migrants et des rénovations seront nécessaires sur les appartements ayant été construits à la hâte au début des années 1980.
En matière d’accès au logement, le ratio du prix moyen d’un logement divisé par le revenu annuel d’un ménage est de 10 en Chine (par rapport à 4/5 dans la plupart des économies développées et 18 au Japon en 1990). Sur la base du revenu des acquéreurs, le ratio est proche de celui d’une économie développée. Le principal problème est que l’offre concerne le segment haut de gamme alors que les besoins du grand public ne sont pas satisfaits. En 2010, l’investissement immobilier devrait rester élevé, avec une croissance à deux chiffres. Le gouvernement a pris des mesures afin de contenir la spéculation : limite du ratio d’endettement des acheteurs, amélioration de la gestion du risque bancaire, augmentation de l’offre foncière et immobilière dans les plus petites villes et de l’offre de logements bon marché.
Le risque du secteur immobilier chinois est également limité par le mode de financement des achats immobiliers : la hausse des prix n’a pas été alimentée par l’expansion du crédit, les biens immobiliers étant essentiellement financés par l’épargne (1/4 des acheteurs ne recourent pas à l’endettement).
Le risque de formation d’une bulle du marché immobilier chinois est réel mais la bulle est loin d’être effective Il reste au gouvernement chinois de bien gérer ce risque pour empêcher la dérive des prix. D’autre part, les valeurs immobilières ont déjà subi une correction et beaucoup de nouvelles négatives sont déjà intégrées.
Qu’en est-il des craintes concernant les risques de surcapacité ?
Le risque de surcapacité est un autre problème chinois, souligné par les plus pessimistes. Les investissements dans les immobilisations représentaient 47 % du PIB l’an dernier. La Chine surinvestit-elle et gaspille-t-elle ? Le pays s’enorgueillit d’avoir enregistré la plus forte croissance en vingt ans de la variable de productivité totale des facteurs (PTF). Si la Chine avait autant gaspillé que l’Union soviétique, l’évolution de sa productivité serait négative. Même au sein des secteurs en surcapacité, à l’image de l’acier, le pays fonctionnait encore à une capacité de 72 % l’an dernier en bas de cycle. En matière d’infrastructures, si l’on compare avec la situation aux États-Unis il y a un siècle, la Chine, dont la superficie est la même mais dont la population est trois fois supérieure, disposera de 110 000 km de chemins de fers d’ici 2010, contre 400 000 en Amérique en 1916.
Une autre façon de voir les choses est que la surcapacité chinoise se répercute sur le reste du monde. La Chine étant compétitive, et les marchés étant de plus en plus mondialisés, une nouvelle usine ouverte en Chine créera de la surcapacité ailleurs dans le monde, dans un pays moins compétitif.
Les principaux risques que nous identifions actuellement sur la Chine sont l’évolution du dollar américain et le regain d’aversion pour le risque, attribuable aux craintes suscitées par l’endettement des états.
(Frédéric Lorenzini - Morningstar - 19/03/10)
samedi 20 mars 2010
Risque de bulle sur les Emergents ?
Publié par Sylvain
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