Navire sismique Geo Challenger de CCGVeritas, équipé avec les dernières technologies haut de gamme et offrant à l’industrie d’exploration offshore internationale une gamme complète de services en acquisition marine 3D/4D, en mode classique ou bien en haute résolution et en wide-azimuth
«Il n’y a plus de pétrole facile et les réserves sous-marines ont un rôle crucial à jouer pour faire face à la demande mondiale de pétrole», affirme Tom Botts, vice-président de Shell pour l’Europe. Et les fonds marins contiennent effectivement d’importants gisements, à l’image de Tupi, le champ situé au large de la baie de Santos, dans le sud-est du Brésil. Selon Petrobras, 5 à 8 milliards de barils pourraient être extraits de ce champ, ce qui en ferait l’un des plus importants au monde. Le Brésil deviendrait l’un des dix plus grands producteurs d’or noir, approchant les niveaux du Nigéria ou du Venezuela. Car avec un baril largement au-dessus des 100 dollars, les bénéfices potentiels incitent les compagnies à se lancer dans des projets qui n’étaient auparavant pas rentables compte tenu d’un pétrole à 30, voire même à 50 dollars. Conséquence : les forages sont plus profonds et plus complexes, donc plus onéreux. Les coûts d’exploration grimpent en flèche et le forage d’un puits peut dépasser la barre des 100 millions de dollars.
Le sel constitue un piège potentiel pour les hydrocarbures
La prospection doit donc obtenir de meilleurs résultats et, dans le golfe du Mexique comme au large du Brésil, affronter un ennemi particulièrement résistant : le sel. Un ennemi pourtant intéressant car cette roche imperméable constitue une rupture dans la couche structurale, et offre des pièges potentiels à hydrocarbures. Reste que «la sismique traditionnelle ne permet pas d’identifier ce qui est localisé sous les couches de sel», explique un géologue suisse préférant garder l’anonymat.
En millieu marin, cette technique de prospection analyse la propagation d’ondes sismiques envoyées depuis un navire grâce à des canons à air. Les dites ondes se propagent, heurtent le fond et remontent vers la surface, où elles sont enregistrées par des capteurs (hydrophones) logés dans une série de flûtes mesurant plusieurs kilomètres de longueur et espacées d’une ou plusieurs centaines de mètres, et tirées par le bateau. Et l’image obtenue prend la forme d’un cube. Mais le sel absorbe une grande partie du signal. BP a donc songé à contourner cette barrière naturelle au début des années 1990, lors que la compagnie enrageait de voir son exploration stagner dans le golfe du Mexique. C’est ainsi qu’est née la sismique «wide azimuth», une technique déjà utilisée en sismique terrestre et qui, en mer, «offre de meilleures images dans des conditions où les études sismiques sont difficiles car certaines formations géologiques atténuent les signaux, en particulier le sel et le basalte», explique Stephen Whittaker de Schlumberger, dont la filiale WesternGeco est leader mondial du secteur. La technologie repose sur une idée simple : utiliser trois navires, celui qui remorque les capteurs étant encadré de part et d’autre par un bateau contenant une source d’ondes. «Le signal envoyé arrive donc par un angle et non verticalement sur la formation qui est étudiée», poursuit Stephen Whittekar. Avec plusieurs variantes – des brevets continuent à être déposés –, selon le nombre de bateaux et leur disposition.
Le wide azimuth permet de mieux exploiter les champs
«Au lieu d’observer une structure grâce à une image prise depuis le dessus, comme le permet la sismique «narrow azimuth», l’idée était d’obtenir une image depuis plusieurs angles, comme depuis le sommet d’une montagne», reprend notre géologue suisse. La couverture de la zone est ainsi multipliée par trois. Une amélioration des résultats qui a son prix : le «wide azimuth» nécessitant davantage de navires, de membres d’équipage et de moyens informatique, les coûts opérationnels peuvent doubler par rapport à une étude de sismique simple. De quoi participer aux prix élevés du brut. Et permettre de nouvelles découvertes? «Pas forcément, explique Louis Cherel, géophysicien spécialisé dans le «wide azimuth» à l’Institut français du pétrole. Cette technique améliore surtout la connaissance des réservoirs existants, notamment leur fracturation, ce qui facilite l’accès aux réserves et permet de mieux les exploiter». «Des progrès doivent encore être faits dans le traitement de ces données de plus en plus complexes, car tous les résultats sont désormais exprimés en trois dimensions», conclut Louis Cherel.
Les gisements off-shore très profonds, un trésor encore bien difficile à exploiter
L’emballement médiatique fut à la hauteur de l’annonce brésilienne de novembre : grâce aux 5, voire 8 milliards de barils découverts dans le champ Tupi, le Brésil allait augmenter ses réserves prouvées de plus de 50%. Cette annonce, la deuxième plus grande découverte des vingt dernières années après les 12 milliards de barils du champ de Kashagan au Kazahkstan, aurait pu faire croire les tensions s’estomperaient sur le marché du brut, rassuré par ce surplus d’offre alors que neuf des dix plus grands champs pétroliers du monde avaient déjà vu leur production se réduire. Traverser 3 km d’eau, 2 km de roche et 2 km de sel !
Mais ce prétendu miracle n’a pas résisté longtemps aux immenses contraintes liées à l’exploration de champs pétroliers off-shore à de très grandes profondeurs. Dans le cas de Tupi, le jackpot d’hydrocarbures situés dans le bassin de Santos repose à près de 7 km sous la surface de l’océan. Pour y accéder, Petrobras, la compagnie nationale brésilienne, devra traverser, dans l’ordre des réjouissances : 2000 à 3000 mètres d’eau, puis une couche de roche et de sable de 2000 mètres et enfin une couche de sel de la même épaisseur. Certes, Petrobras est un spécialiste des eaux profondes, exploitant déjà des champs à plus de 5000 mètres de profondeur. Mais une telle couche de sel, moins dure que la couche de roche qui la précède mais également moins stable, représente un défi de taille. Surtout à cette profondeur : à 6000 ou 7000 mètres sous la surface, la pression et la température transforment le sel en liquide, refermant immédiatement tout forage. Sans compter que le pétrole subira un choc thermique lors de sa remontée, passant de 100 degrés dans le réservoir à 4 degrés, ce qui pourrait bloquer le débit. Que faire? Chauffer l’oléoduc, donc augmenter encore les coûts, estime une Université de Rio toujours au stade des réflexions.
Des puits ont déjà été forés dans le champ de Tupi. Le premier a coûté 240 millions de dollars, une facture qui est descendue à 60 millions pour les 14 suivants, dont huit ont atteint le réservoir. Petrobras estime que ce montant reculera encore à 30 millions de dollars par puits en phase d’exploitation commerciale. Soit un coût par baril produit de 30 dollars, alors que Petrobras dépense actuellement moins du quart pour produire un baril en off-shore. La compagnie estime néanmoins que Tupi produira un million de barils par jour d’ici 15 ans.
Jackpot pour les foreurs et les spécialistes de la sismique
«L’acquisition de données sismiques en deux dimensions a déjà été effectuée sur l’ensemble du globe, mais la précision et la qualité des images obtenues grâce au «wide azimuth» incite les compagnies pétrolières à commander de nouvelles campagnes d’acquisition», explique Louis Cherel, géophysicien à l’Institut français du pétrole. Des études bien plus chères que les précédentes, ce qui fait les affaires d’entreprises comme WesternGeco ou CCGVeritas, leaders du marché.
Jouer le secteur des services aux compagnies pétrolières
Plus généralement, les services aux compagnies pétrolières ont la cote. Pour le seul champ de Tupi, Petrobras prévoit d’utiliser entre 6 et 12 plateformes flottantes. Soit un investissement d’une trentaine de milliards de dollars pour leur construction. Mais pour l’instant, le marché subit une telle pénurie qui profite au marché de la location. A tel point qu’en 2007, louer une de ces plateformes a coûté en moyenne 500.000 dollars par jour. Et, constatant que la demande va continuer à excéder l’offre, l’analyste de Citi, Geoff Kieburtz, s’attend à une augmentation des prix.
«Si la hausse régulière des revenus de manutention observée depuis trois ans se confirme, les livraisons plus rapides de nouvelles plateformes off-shore devraient propulser la croissance du secteur à plus de 20% d’ici 3 ans», estime l’analyste, qui a revu à la hausse ses estimations de bénéfice par action de Transocean, le leader mondial du forage off-shore, pour 2008, 2009 et 2010. Halliburton et Exterran devraient également bénéficier de la vigueur du cycle économique, justifiant ainsi une recommandation à l’achat malgré des valorisations actuellement élevées.
Sébastien Ruche (Agefi - 26/06/08)
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